Discours d’ouverture des 5e assises de la sécurité privée

Discours de M. Gérard Collomb, Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur, prononcé à l’Ecole Militaire, à l’occasion de l’ouverture des 5ème Assises de la Sécurité Privée, co-organisées par la Délégation aux Coopérations de Sécurité du Ministère de l’Intérieur, l’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ) et le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), le lundi 05 février 2018.

Monsieur le Préfet de Police,

Monsieur le Préfet, Directeur général de la Police nationale,

Monsieur le Préfet, Délégué aux coopérations de sécurité,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le représentant du Directeur général de la gendarmerie nationale,

Mesdames et Messieurs les directeurs,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi d’ouvrir ce matin ces Assises de la sécurité privée.

Cette manifestation existe depuis seulement cinq ans.

Et pourtant, elle est déjà devenue pour l’ensemble des acteurs de la sécurité en France, un rendez-vous incontournable.

Pour une raison simple : c’est que le secteur de la sécurité privée, joue un rôle de plus en plus important dans la protection des Français.

On l’a mesuré bien sûr à la suite des tragiques attentats qui ont touché notre pays où vous avez été mobilisés pour sécuriser les bâtiments publics, mais aussi pour assurer le bon déroulement de manifestations sportives et culturelles.

Sans vous, les Français n’auraient pas pu continuer à vivre normalement.

Mais c’est au quotidien que vous agissez pour protéger certains sites sensibles, pour surveiller de locaux d’entreprise, ou encore, dans le domaine du numérique, pour permettre à nos entreprises de lutter contre des cyberattaques de plus en plus nombreuses.

Oui, le secteur de la sécurité privée est un pilier fondamental des politiques de sécurité.

C’est pourquoi il est du devoir du Ministre de l’Intérieur d’être en permanence en lien étroit avec vous, avec les grands groupes comme avec les PME, avec les entreprises à forte intensité de main d’œuvre comme avec les start up se trouvant à la pointe des évolutions technologiques.

Et c’est ce que je me suis employé à faire depuis mon arrivée place Beauvau il y a huit mois.

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En octobre dernier, je me suis ainsi rendu à MILIPOL, le salon des technologies de la sécurité.

Et j’ai vu à quel point les entreprises françaises étaient à l’avant-garde en ce domaine.

En décembre, cher Stéphane VOLANT, je me suis exprimé devant le Club des directeurs de Sécurité des Entreprises.

Pour dire à nos grands groupes, que la sécurité ne constitue pas un coût, mais bien un investissement.

La semaine dernière, j’étais au Forum International de Lutte contre la Cybercriminalité, où j’ai dialogué avec tous les acteurs engagés pour faire progresser la cybersécurité.

A plusieurs reprises, j’ai aussi reçu place Beauvau des représentants de nombreuses entreprises, dont quelques-uns sont présents dans la salle, parce que je suis convaincu qu’il nous faut entretenir un dialogue permanent, tisser un lien de confiance indispensable à un travail en commun de qualité.

Etre Ministre de l’Intérieur, c’est être le premier policier de France, le premier gendarme de France.

C’est aussi, Mesdames et Messieurs, être Ministre des acteurs de la sécurité privée.

Et j’entends assumer pleinement ce rôle.

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C’est ainsi que, depuis ma prise de fonction il y a huit mois, j’ai tenu à confirmer et accélérer un certain nombre d’évolutions nécessaires à la modernisation de vos activités.

Il y a eu d’abord l’application, dans les délais prévus par les textes, de l’arrêté du 27 février 2017 relatif à la formation continue de vos agents.

Celui-ci prévoit, vous le savez, que vos salariés suivent tous les cinq ans au moins 31 heures de formation, afin d’adapter leurs savoir-faire aux évolutions des menaces. 17.000 d’entre eux sont concernés en 2018.

Je sais les craintes qu’ont pu susciter cette disposition auprès de certains acteurs du secteur, je sais que certains ont souhaité que l’entrée en vigueur du texte soit différée.

Mais ce changement était nécessaire pour permettre à votre secteur de mieux appréhender les nouvelles menaces et pour garantir l’adaptation de vos agents à des fonctions de plus en plus exposées.

Je tiens donc à saluer l’esprit de responsabilité dont ont fait preuve les branches professionnelles pour aboutir à un accord sur le financement de cette mesure importante.

Un autre changement majeur de ces huit derniers mois a été la création par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, des périmètres de protection, qu’évoquera tout à l’heure Thomas CAMPEAUX, le Directeur des Libertés Publiques et des Affaires Juridiques du Ministère de l’Intérieur.

Nous nous sommes inspirés, pour cette disposition, de ce qui avait été mis en œuvre au moment de l’Euro 2016, où 13 000 agents de sécurité privée – l’équivalent du nombre de CRS que comporte notre pays ! – avaient permis aux Français mais aussi à des supporters venus de toute l’Europe, de vivre leur passion en toute sérénité.

Au moment du débat parlementaire autour de ce texte, on a quelquefois dit que les périmètres de protection étaient une mesure inutile, qu’ils ne seraient pas appliqués.

Eh bien en seulement trois mois, elle a déjà été mise en œuvre à près de 50 reprises.

Cela montre leur efficacité.

Cela montre, plus largement, tout l’intérêt d’un modèle où forces nationales, polices municipales et acteurs de la sécurité privée travaillent ensemble, dans une juste répartition de leurs missions et de leurs prérogatives.

Enfin, 3e mesure : l’extension de la possibilité, pour certains agents de sécurité privée, de porter une arme.

Si j’ai pris ce décret, c’est parce que vos agents, et en particulier ceux qui protègent des sites sensibles, sont confrontés à des risques – et notamment un risque terroriste – élevés.

De la même façon qu’a été développé l’armement de la police municipale après les attentats du 13 novembre, il nous faut donc pouvoir armer les agents de sécurité privée.

Dans des conditions d’encadrement très strictes toutefois, puisque le CNAPS sera chargé de donner l’agrément à chaque société et de s’assurer de la moralité de chaque agent le préfet d’évaluer l’exceptionnalité des risques, et que les exigences de formation seront évidemment élevées !

Mais nous devions progresser dans ce domaine.

***

Mesdames et Messieurs,

Le secteur de la sécurité privée vit donc une transformation rapide, qui ne cesse de s’accélérer.

Et je tiens à saluer toutes celles et ceux qui ont à professionnaliser et structurer la filière – je pense en particulier à Alain BAUER, Président du CNAPS, qui a quitté la présidence de cette institution il y a quelques semaines et qui aura beaucoup œuvré à la modernisation, à la professionnalisation et à la moralisation de la filière.

Mais nous n’en sommes aujourd’hui qu’au milieu du gué.

Car, on le voit, avec une menace terroriste qui devient de plus en plus endogène, on le mesure avec des cyberattaques qui peuvent désormais toucher chaque individu : le crime, la délinquance évoluent sans cesse.

Ils se font toujours plus diffus, protéiformes, difficiles à détecter.

Or, pour faire face à de tels phénomènes, nous avons besoin que se mobilisent un nombre grandissant d’acteurs.

Les 250 000 policiers nationaux et gendarmes, bien sûr.

Les 21 000 policiers municipaux, également.

Mais aussi les 160 000 agents du secteur de la sécurité privée !

Car tous, nous avons une responsabilité collective pour protéger les Français.

Mesdames et Messieurs,

Je lancerai jeudi prochain dans cet amphithéâtre la Police de Sécurité du Quotidien et je veux remercier celles-et ceux d’entre-vous qui ont participé à la grande consultation que nous avons organisée.

Cette police de demain sera plus nombreuse, avec la création de 10 000 postes.

Elle sera mieux équipée, avec des moyens matériels et un effort porté sur la rénovation du parc immobilier.

Elle sera davantage connectée, avec la dotation de nos forces en tablettes et caméras-piétons.

Elle sera plus proche des attentes de nos concitoyens

Mais un des axes forts de cette police que nous devons construire est qu’elle sera plus partenariale.

C’est à dire que les différents acteurs ne devront plus travailler en silos comme cela arrive parfois.

Mais au contraire dans une coopération étroite, dans un vrai continuum.

Pour réfléchir à ces questions, j’ai décidé de proposer au Premier ministre, la nomination dans les prochains jours d’une mission parlementaire.

Elle sera confiée à Jean-Michel FAUVERGUE, député de Seine et Marne, et à Alice THOUROT, députée de la Drôme, tous deux présents ce matin.

On ne présente pas ici Jean-Michel FAUVERGUE, policier d’élite, ancien chef du RAID, qui s’est distingué par les assauts menés au moment des terribles attentats de janvier et de novembre 2015.

Sa connaissance fine des forces de sécurité et des attentes du ministère de l’intérieur sera précieuse pour les travaux de cette mission.

L’expertise juridique d’Alice THOUROT, avocate de profession, sera quant à elle très utile pour proposer, le cas échéant, les évolutions législatives qui s’imposeront.

Madame la Député, Monsieur le Député,

Dans le cadre de cette mission, je souhaite que vous étudiiez plusieurs pistes.

D’abord la redéfinition de la répartition des tâches entre forces nationales, polices municipales et secteur privé, et ainsi, pour la première fois, la définition d’une doctrine d’emploi de la sécurité privée en France.

Pourquoi ne pas envisager de déléguer un certain nombre de missions actuellement exercées par les forces de sécurité à vous, les acteurs privés ?

Je pense par exemple à la protection de certains bâtiments sensibles ou au transport de scellés dangereux. Mais il y en a sans doute beaucoup d’autres.

Je sais que les acteurs du secteur y sont prêts.

Nous ne devons donc rien nous interdire.

Autre axe de réflexion important : le déploiement des forces de sécurité privée « aux abords » des lieux dont elles assurent la surveillance.

Actuellement, cette possibilité n’est ouverte que dans des conditions restrictives, ce qui d’une part, rend votre travail plus difficile et, d’autre part, affaiblit le dispositif de sécurité.

Sans évidemment aller jusqu’à donner aux acteurs privés une compétence générale de sécurisation de la totalité de la voie publique, je crois que, de manière pragmatique, nous devons ouvrir la réflexion sur la question du champ d’intervention des agents de sécurité privée.

Il faudra aussi, Madame la Député, Monsieur le Député, travaillé sur les dispositifs opérationnels associant polices nationales, polices municipales et acteurs de la sécurité privée et les échanges d’informations opérationnelles entre ces différents acteurs.

Certaines initiatives existent en fait déjà, par exemple dans le dispositif des périmètres de protection.

Elles doivent pouvoir être étendues à d’autres missions, car, sur le terrain, et en particulier dans des situations difficiles, être plus nombreux, mieux travailler ensemble, se connaître, s’entraîner constituent toujours un atout.

Enfin, un des chantiers les plus fondamentaux pour moi est le partage de l’information et du renseignement, entre les différents acteurs de la sécurité.

J’avais eu l’occasion de souligner devant le Club des directeurs de Sécurité des Entreprises que je souhaitais avancer rapidement sur le sujet, parce que je pense qu’il est primordial de pouvoir.

Je suis donc heureux de vous annoncer que, dans le cadre de la sécurité du quotidien, un protocole sera prochainement signé pour développer les échanges d’information entre police, gendarmerie, et référents des entreprises de sécurité privée. Un modèle type a été élaboré. Il reviendra aux acteurs locaux de se l’approprier.

Il s’agit là d’un premier pas, et je remercie les Présidents de l’Union des Entreprises de Sécurité Privée (USP), du Syndicat National des Entreprises de Sécurité (SNES) et du Club des Directeurs de Sécurité des Entreprises (CDSE) ainsi que le délégué aux coopérations de sécurité, Philippe ALLONCLE, de l’avoir permis.

Mais il faudra demain aller plus loin.

Car face à la menace terroriste endogène et aux cybermenaces que je décrivais, face à toutes les formes de crime et de délinquance, la fluidité dans l’échange de renseignement est la clef de la réussite et de l’efficacité de notre dispositif de sécurité nationale.

***

Mesdames et Messieurs,

Dans les mois années à venir, votre secteur, celui de la sécurité privée, va donc continuer à vivre de grandes mutations, à voir le champ de ses missions et de ses prérogatives s’étendre.

Et c’est une bonne nouvelle pour les Français, car une telle évolution contribuera à renforcer la sécurité globale.

Mais pour que cette montée en puissance puisse se dérouler dans de bonnes conditions possibles, il nous faut dans le même mouvement poursuivre ensemble, la structuration déjà bien engagé de votre filière.

Cela passe bien sûr – toujours ! – par la formation.

Et, au-delà des formations pour lesquelles l’agrément par le Conseil National des Activités Privées de Sécurité est un nécessaire gage de professionnalisme ; au-delà du projet de campus européen de la sécurité qu’évoquera tout à l’heure Alain JUILLET, je souhaite que la police, la gendarmerie ouvrent davantage encore les portes de leurs écoles aux acteurs de la sécurité privée.

J’en parlerai plus en détail jeudi prochain au moment du lancement de la Police de Sécurité du Quotidien.

Il nous faut aussi adapter sans cesse nos techniques et nos dispositifs aux technologies et aux nouvelles menaces.

Pour cela, le Ministère peut vous appuyer.

Avec des instances comme le Conseil Scientifique de la Gendarmerie nationale, que j’ai présidée il y a quelques semaines, nous disposons en effet d’outils qui nous permettent d’anticiper ces révolutions que vont constituer la montée en puissance de l’intelligence artificielle, de la reconnaissance faciale, ou encore les drones.

Nous devons entretenir un dialogue permanent sur ces sujets.

Car de vos choix stratégiques et managériaux d’aujourd’hui dépendent notre capacité collective à protéger les Français demain.

Enfin, nous devons continuer, ensemble, à veiller à lutter contre celles et ceux qui, contournant les règles, sont susceptibles jeter le discrédit sur vos activités, en luttant contre la fraude. Car, comme le souligne le titre d’une des tables-rondes du jour « la régulation est la clé de la confiance ».

A cet effet, la création d’une carte professionnelle sécurisée me semble absolument nécessaire. Il s’agit d’un grand chantier pour les mois à venir.

Le CNAPS, dont les nouveaux membres seront nommés dans les tout prochains jours, devra également veiller à renforcer encore ses capacités de contrôle, et à mieux détecter les fraudes et les entreprises indélicates.

C’est là, une des conditions pour assurer un haut niveau de service par tous, pour la lutte contre ceux qui tentent de contourner les règles du système, et au final pour assurer une dynamique Economique durable à l’ensemble du secteur.

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Voilà donc, Mesdames et Messieurs, les quelques grands défis qui se présentent à nous pour l’année qui vient.

J’y ajouterais celui de l’équilibre économique dans les relations entre les donneurs d’ordre et entreprises de sécurité– le Délégué aux coopérations de sécurité vous en dira tout à l’heure quelques mots.

Ma conviction profonde est que nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle ère pour la sécurité globale.

Une ère où la faculté des Etats, des entreprises, à se protéger des nouvelles menaces dépendra de plus en plus de leur capacité à coopérer, à échanger, à travailler ensemble en pleine confiance.

C’est pourquoi je souhaite qu’au-delà de cette rencontre annuelle, nous puissions entretenir un dialogue suivi et régulier.

Je souhaiterais vous citer un propos d’Euripide : « Aucun de nous ne sait ce que nous savons tous, ensemble »

Voilà ce que nous devons réussir : la conjonction de nos forces, pour assurer la protection de la sécurité des Français.

Vivent les acteurs de la sécurité privée !

Vive la République !

Et vive la France !

Crédits : Ministère de l’Intérieur, Photo Bruno Chapiron

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